"Chez mes parents, il y avait une petite sente qui longeait le jardin, et je n'avais absolument pas le droit de m'y aventurer. Pourtant, très souvent je m'y hasardais. Mais à un moment, le chemin faisait un virage et jamais je n'allais plus loin que ce virage si bien que je ne sus jamais ce qu'il pouvait y avoir au bout du sentier.
Aussi, cette méconnaissance donnait lieue à toutes suppositions : je vais trouver un trésor, ou peut-être la maison d'une méchante sorcière ou un ogre... Ainsi, j'étais partagée entre l'envie de découvrir ce qui pouvait se cacher au bout de la route et la peur d'y trouver un être peu amical.
Une nuit, je fis un rêve... Je descendais le long du chemin me sentant l'âme téméraire, et, plus j'avançais, plus il faisait sombre. La végétation devenait dense, les arbres plus impressionnants et la fraîcheur des sous-bois plus vive. Je marchais de plus en plus lentement et prudemment. Soudain, j'entendis une voix, quelqu'un grommelait. Je me fis encore plus discret et vit au loin un petit être avec une longue barbe et des oreilles pointues. Il portait également un genre de couvre-chef dans un tissu de toile de jute. Ce petit homme creusait la terre avec une minuscule pèle, parfois il faisait des sauts de puce en criant "non, non, ce n'est pas encore là !!". Il me tournait le dos et creusa de nouveau. Je m'approchais un peu et il s'arrêta. Lentement, sans bouger son corps il pencha doucement la tête vers moi. Il me regarda de biais :
- Qui es-tu ? Tu veux me voler mon trésor ?
- Non Monsieur, je me promenais juste.
- Baliverne ! On ne se promène pas ici ! Personne ne vient jamais jusqu'ici à moins qu'il ne soit perdu. Es-tu perdu ?
- Non, je ne pense pas, j'ai toujours marché tout droit.
- Sornettes ! Depuis quand marches-tu ?
- Depuis... Pas très longtemps... Je pense...
- Alors tu t'es perdu. Les chemins bougent ici, il n'y a pas de sentier droit.
- C'est vrai, en fait, à un moment il tourne un peu.
- Petit menteur ! Tu es là pour me voler mon trésor, va-t'en d'où tu viens et ne parais plus jamais, tu m'entends ! Sans quoi...
Je ne pris pas le temps d'écouter le supplice que me promettait de m'infliger le petit homme. Je filais à toute vitesse évitant racines et trous qui se trouvaient sous mes pas !
Quand je me suis réveillée, je ne savais partager la réalité du rêve. Si bien que jamais je ne descendis plus loin que le virage."
- Finalement, il y avait quoi au bout du chemin.
- Rien d'autre que la départementale, une route très passagère. Mes parents ont entretenu ce mythe durant des années pensant qu'ils ne trouveraient pas meilleure alliée que ma frayeur. Depuis, je ne supporte pas les nains de jardin. Aujourd'hui encore, je me demande si finalement, il n'y a pas un trésor enterré au milieu de cette sente...