Je cherche et cherche encore. D’habitude, je commence toujours mes recherches par Wikipedia, et je trouve «… différentes formes féminines du mot existent, dont “autrice”, la forme classique pour sa construction et son ancienneté, qui tend à reculer devant le néologisme “auteure”, forme récente, mais contestée utilisée en Belgique, au Canada et en France. »
Rhoo, mais j’adore les Canadiens, surtout les Québécois, alors je suis tentée d’écrire “auteure“. Mais je ne veux pas prendre cette décision à la légère. Je relis la définition. On me dit « pour sa construction et son ancienneté… », “autrice“ existe depuis toujours alors ?
Je poursuis mes recherches dans les origines du mot. Et je trouve quelque chose de très intéressant. « L’empêchement d’utiliser des mots féminins ne concerne que les métiers prestigieux. Personne ne s’est jamais battu pour qu’une femme soit appelée boulanger plutôt que boulangère. » Ah oui, mais depuis quand ?
Depuis que Richelieu est entré à l’Académie française !
Et puis, soudain, la théorie disant que « L’empêchement d’utiliser des mots féminins ne concerne que les métiers prestigieux. Personne ne s’est jamais battu pour qu’une femme soit appelée boulanger plutôt que boulangère » ne tient pas debout, car, on dit aussi : “aviatrice“, “sénatrice“, “directrice“, “compositrice“, “perceptrice“ ! Oui, mais ça, c’était après. Après qui ? Richelieu, on vous dit !
Je découvre que le terme “autrice“ a été rayé par l’Académie française au XVIIe siècle, car les hommes ne voulaient pas de femmes dans le milieu des lettres. Et il s’avère qu’aujourd’hui encore, l’Académie française s’oppose toujours fermement à la féminisation des noms de métiers prestigieux sous couvert de néologisme. Ah oui, parce que, on ne souhaite pas non plus du terme “auteure“ ! Quand on regarde bien, sur 35 membres à l’Académie française aujourd’hui, nous comptons seulement 4 femmes… ceci pourrait expliquer cela… mais j’extrapole.
Si j’étais féministe, j’utiliserais le terme de “autrice“, parce qu’en plus de se voir, ça s’entend ! Et puis, si l’on se réfère à la racine latine du mot auteur : “auctor“ en latin, “auctrix“ au féminin, on dirait que “autrice“, est la forme grammaticalement correcte de ce mot… et qui plus est, utilisée jusqu’au XVIIe siècle. En réfléchissant bien, on dit bien “lectrice“. Une lectrice qui lit une autrice, c’est cohérent.
Regardons un peu les choses autrement. Imaginons que le masculin, dans ce domaine, ne nous exclut pas, mais nous rassemble… Imaginons un peu…
D’accord, mais alors que penser de la réplique de Bernard Pivot : « Colette est l’une de nos grandes écrivaines. Colette est l’un de nos grands écrivains. La seconde formulation est plus flatteuse, non ? » C’est pas faux, mais c’est quand même un chouille sexiste ! non ?
Si on résume, Larousse dit « Auteur, féminin auteure », mais l’académie n’est pas d’accord, c’est un néologisme, c’est-à-dire « la manie d’employer des mots nouveaux sans besoin ou sans goût ». On pousse un peu le bouchon quand même !
Jusqu’au XVIIe siècle, on disait donc “autrice“. Et me voici au point de départ de ma réflexion. Je fais quoi ?
Comme j’aime la période médiévale, cherche un peu plus loin dans l’histoire. Je consulte mes vieux amis Lagarde et Michard. Peut-être existe-t-il un féminin en — eure ou une autre formulation ? Je trouve uniquement les termes “prieure“ et “supérieure“. Ce sont des fonctions religieuses, seules fonctions importantes, réservées aux femmes dans les sociétés patriarcales. Ah ah ! On y revient à la bonne vieille supériorité de l’homme sur la femme. Mais je m’en défends en disant que les noms et adjectifs en ‑eur qui dérivent de comparatifs latins en — (i) or ont un féminin en — eure. Nous avons également “mineure“ et “mayeure“ qui suivent cette règle. OK, c’est un peu mince, mais j’aurai tenté.
Puis ma persévérance est récompensée et je tombe sur ça : le mystère du dit « Vieil Testament » sous sa forme médiévale (deuxième moitié du xve siècle)
Dieu soit loué de ceste heure
Que j’ay esté inventeure
Premiere procurateure
De ce fait et conducteure !
Soit aussi bonté divine
Louee, qui la facteure
En est et medïateure
Et finalle parfacteure,
Qui m’a faicte promoteure,
De mouvoir chose si digne !
(Éd. James de Rothschild, t. 2, Paris, Firmin-Didot, 1879, v. 12 865-12 874, p. 170)
J’en pleure tellement c’est beau !
Il semblerait que l’auteur ait inventé ces mots (bah voyons, on se défend comme on peut, messieurs), mais il n’a pu le faire que parce que la langue de son époque le lui permettait (et toc !). En effet, un mystère est une représentation théâtrale de sujets religieux (rappelez-vous la fête des fous, et le mystère… plongez-vous dans la lecture de Notre Dame de Paris – de Victor Hugo). Les mystères étaient généralement joués en plein air, et étaient fort appréciés à la fin du Moyen Âge.
Aujourd’hui, nous trouvons quelques mots féminisés de cette façon : “professeure“, “ingénieure“, “proviseure“…
Et si l’on souhaitait aller encore plus loin, il existe d’autres formes de féminin aux mots se terminant par -eur : “danseuse“, “chanteuse“, “camionneuse“… Mais là, c’est sûr que “auteuse“ ça ne passe pas du tout. “Pécheresse“, “vengeresse“, “enchanteresse“, “doctoresse“ ça fait beaucoup penser à la fantasy vous ne trouvez pas ?
Maintenant, puisque rien n’est vraiment établi et que la langue française évolue, je serais tentée de dire qu’auteur, auteure ou autrice, est une question de respect de ce qui est écrit dans le dictionnaire, de sensibilité ou de conviction.
De conviction ai-je dit ? Et là, on est trahi par le mot : le terme que l’on utilise devient encore plus important, par son sens et par ce qu’il véhicule : il nous fait prendre position.
Il est sûr que nous devons à l’humanité l’égalité entre les hommes et les femmes et peut-être que, comme le dit Bernard Pivot, le fait d’utiliser le même terme pour les deux sexes est une manière de se trouver sur le même piédestal. Mais je trouve que le terme “autrice“ est peu flatteur pour la gent féminine, ça fait mal aux oreilles et ça pique les yeux. Si l’on veut un peu de fantaisie : Autesse, mais c’est trop proche d’hôtesse qui peut également avoir une connotation peu respectable. Auteure me semble être un bon compromis. Ce n’est qu’une histoire de sensibilité.
Alors que notre patrimoine linguistique nous dit “autrice“ ou “auteure“, puristes que parfois nous voulons être, il s’avère que nous tenons à nos racines si tant est qu’elles n’engendrent pas de la mauvaise herbe. Notre histoire est façonnée d’affronts faits aux femmes que l’on tente aujourd’hui de réparer, et je trouve, de façon bien maladroite, comme s’il s’agissait uniquement de nous faire plaisir, de nous faire croire que nous avons gagné un combat.
Une auteur, auteure ou autrice… sur ce sujet, nous ne serons jamais d’accord, car la féminisation de la langue française est bien plus que de simples mots c’est un symbole. Apprécions déjà le simple fait d’y avoir pensé et d’avoir agi pour cela.
Une auteur, auteure ou autrice… Pour conclure mon article je dirais que le XVe siècle, étant la période de mon roman, mon cœur pencherait pour la forme féminine du mot : auteure. Et puis je me plierais à ce que dit le dictionnaire, la bible de tout auteur. La véritable lutte féministe est ailleurs, factuelle et pas uniquement sur notre territoire. Et ceci ne serait-il pas l’arbre qui cache la forêt, une façon de se cacher derrière son petit doigt, un détournement mesquin pour nous faire oublier ce qui se passe en réalité en France et par delà nos frontières ?
Demain, je change de nouveau mon compte facebook. Vous trouverez Marie-Laure KÖNIG — Artiste Peintre et Auteure. Parce que je suis une femme à la hauteur de l’homme avec une petite différence.
Lien vers l'article sur le site du Malleus - Les sorcières de Sarry