Ce fut avec soulagement qu’ils arrivèrent dans la capitale du Berry. Tous savaient et surtout espéraient que l’aventure verrait son dénouement en cette ville de Bourges.
Bourges, cette ville florissante qui avait accueilli à une certaine époque la famille royale 1) avait vu ces dernières années le vent de la réforme souffler sur elle. Des universitaires s’étaient convertis, le réformateur Calvin était venu, et de grandes dames comme Marguerite d’Angoulême, sœur du roi François 1er avaient exprimé leur sympathie pour cette religion toute fraîche 2). Mais le retour de bâton ne s’était pas fait attendre, s’abattant sur les réformés de toutes ses forces. Certaines moururent pour la nouvelle foi, certaines furent emprisonnées tandis que d’autres prirent le chemin de l’exil vers la Suisse. Avec le règne du roi Henri IV, un semblant de paix était revenu, notamment grâce au nouveau gouverneur Henri II de Bourbon, prince de Condé, favorable à la réforme.
Mais à Paris, des gouverneurs catholiques convaincus se succédèrent. La mort prématurée du bon roi Henri IV et surtout le retournement en matière religieuse du prince de Condé, revenu à Bourges pour éteindre les quelques braises huguenotes qui pouvaient subsister ici ou là, rendaient la réforme moribonde. On devait donc désormais agir dans l’ombre.
Romance se sentit immédiatement bien dans cette ville, elle avait accueilli les siens, la Compagnie de Jésus depuis une soixantaine d’années 3). Il allait bientôt revoir, il en était certain, son ami de toujours Giuseppe et tenter de le remettre sur le droit chemin. C’était là son unique quête, ramener cet homme avec qui il avait partagé tant de dangers, ce presque frère, dans le giron de l’Église catholique. Romance s’était donné pour mission de sauver l’âme de son ami.
Ambre savait désormais que Giuseppe la suivait ou la faisait suivre. Il lui suffisait d’attendre pour qu’il lui fasse un signe. Elle était calme, d’autant plus qu’elle se sentait soutenue par cette sœur qui lui ressemblait tant et qui lui était tombée du ciel. Elles s’étaient immédiatement entendues. Jane quant à elle, était une aventurière, ce qu’elle aimait c’était l’inattendu, cette jumelle l’intéressait parce que grâce à elle, beaucoup de nouvelles perspectives s’offraient à elle. Venir à Bourges, chercher à en savoir plus sur l’amant de sa sœur, à la tête d’une confrérie qui condamnait le pape, peut-être aider ce couple à se retrouver tout en prêtant main-forte à Romance et au Roi de France. Naviguer entre deux eaux représentait pour elle un état d’excitation qui prévalait sur toute autre forme de sentiment.
Pendant que les hommes logeaient au Collège des Jésuites, les deux sœurs avaient trouvé un petit appartement en ville avec lequel un personnel de maison leur avait été proposé.
La fameuse grosse tour de Bourges était une enclave militaire qui servait également de prison. Ambre comme Jane ignorait comment elle allait entrer dans ce bastion militaire et masculin. L’opportunité devait se présenter avec le Prince de Condé. Un messager de Romance leur fit savoir que le Gouverneur du Berry les attendait tous dans son bureau de la Grosse Tour le lendemain en début d’après-midi.
Nul doute que d’une manière ou d’une autre Gieuseppe Lumbini serait également présent. Le destin serait au rendez-vous.
- Charles VII : http://www.encyclopedie-bourges.com/charles7.htm
- http://www.encyclopedie-bourges.com/protestants.htm
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Coll%C3%A8ge_des_j%C3%A9suites_de_Bourges