L’île de Serq est un bout de terre d’un peu plus de 5 kilomètres carrés longtemps base de la piraterie anglaise (1) jusqu’à ce que la reine Élisabeth décida de nommer, Hélier de Carteret Seigneur de l’île. Il réussit à y faire racine et à pacifier l’île, fermant les yeux sur quelques bateaux suspects à condition que ses occupants restent discrets et participent à la prospérité des lieux.
Ses descendants adoptèrent la même ligne de conduite tout en restant vigilants sur l’origine des personnes qui débarquaient sur l’île. Aussi avant que les 4 visiteurs arrivant du continent se présentent au manoir et demandent à être reçus par le Seigneur des lieux, en l’occurrence Philippe de Carteret, 2e à porter ce prénom (2), connaissait le but de la visite.
Homme instruit, fidèle au roi, mais protestant dans l’âme, il n’appréciait pas vraiment le rapprochement que celui-ci semblait effectuer auprès des catholiques surtout depuis le mariage du roi avec cette princesse catholique, sœur du roi de France.
Depuis qu’il avait mis les pieds sur cette île, Romance avait compris qu’il était prudent de ne pas dévoiler son statut ecclésial. Il n’était pas en terre amie. Aussi ce fut Raoul, de vieille noblesse qui présenta le groupe au Seigneur de Carteret. Comme il fallait s’y attendre, ce fut Jane et sa ressemblance frappante avec la précédente invitée du manoir qui retint toute l’attention de la maisonnée :
« Nous avons effectivement reçu deux personnes il y a peu, arrivant des Amériques, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous les avons priés de rester. Notre neveu Georges, ici présent étant fort intéressé par les contrées lointaines (3).
Tous se tournèrent vers un jeune homme d’un peu moins de vingt ans. En visite chez son oncle, il était déjà, malgré son âge un marin d’envergure :
– Je pense embarquer un jour pour le Nouveau Monde et toute personne susceptible de partager leur expérience outre-mer m’intéresse !
Georges de Carteret ne semblait pas vouloir en dire plus, peu loquace, ces quelques mots prononcés étaient les seuls qui sortiraient de sa bouche, son oncle, Philippe reprit la parole :
– Deux personnes fort intéressantes et surtout prêtes à servir notre cause !
Raoul reprit la parole :
- Votre cause Messire
- Oui celle que tout anglais se doit de suivre : la quête de la vraie foi !
Romance ne silla pas, il n’existait plus maintenant le moindre doute, il était bel et bien piégé dans un repaire de huguenots, Carteret continuait :
- Ils n’avaient jamais entendu parler des prédictions de Malachie d’Armagh(4) et surtout celle relative à la fin de la papauté. L’homme, un italien qui s’était présenté sous le nom de LUMBINI fut fort intéressé et posa de multiples questions auxquelles j’apportais toutes les réponses que je pus. Alors qu’il venait de traverser un océan, un autre s’ouvrait devant lui fait d’une lumière nouvelle. C’est comme si un voile se déchirerait et qu’enfin il trouvait le chemin qu’il avait cherché toute sa vie. Il resta en notre compagnie le temps de tout apprendre et de commencer à comprendre.
Ce fut à Jane de prendre la parole :
- Et qu’en fut-il de la Dame qui accompagnait Monsieur LUMBINI ?
- Elle n’était pas intéressée par les vérités de Malachie, comme mon neveu Georges, elle avait soif d’aventures, de voyages, de rencontres. Aussi je ne fus pas surpris lorsqu’elle nous faussa compagnie pour reprendre un bateau vers une destination inconnue. Son compagnon, Monsieur LUMBINI, sembla en être affecté, mais sa quête de la vérité l’emporta sur les attraits de la Demoiselle. Il m’écouta, prépara un nouveau voyage, mais vers le continent. Avec les noms de personnes de mes amis, je ne doute pas un instant qu’il a su faire son chemin et que son destin l’amène vers de grandes œuvres ! »
Derrière un visage impassible, le sang de Romance bouillonnait à grands flots : ainsi cette donzelle pour qui Giuseppe avait abandonné l’église l’avait quitté à son tour et maintenant on lui confirmait qu’il s’était fait agent de l’hérésie. Qu’allait-il devenir ? Romance prit une décision, il fallait qu’il retrouve Giuseppe, non pas pour lui demander des comptes, mais pour le sauver malgré lui.
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