Une main sur la bouche d’Ambre pour l’empêcher de crier, un bras autour de sa taille, Romance rejoignit aussi vite qu’il le put le groupe formé de Fitzroy, Raoul, Jacob et le Sieur Irvin. Ambre se débattait comme un beau diable aussi c’est avec un certain soulagement qu’il la confia à Fitzroy et tous rejoignirent à pas de loup l’endroit où ils avaient laissé l’embarcation gardée par Jane et les deux autres pirates.
Ambre avait cessé de s’agiter, mais ligotée par Fitzroy, elle n’avait d’autre choix que suivre la troupe. Ébranlée, elle avait reconnu Romane et se demandait ce que ce prêtre de malheur était venu faire jusqu’à ce coin perdu du monde. La chercher ? Mais pourquoi, pour qui ? Par vengeance ? Mais il l’avait poussée par-dessus bord ainsi que Giuseppe lors de la traversée de l’Atlantique et la pensait certainement morte. Qu’est-ce qu’il voulait donc ? Personne ne parlait, le danger n’était pas loin. Tous savaient que dès que l’absence d’Ambre serait connue, Glengloyne mettrait tout en œuvre pour la retrouver.
Ils étaient maintenant très proches de la chaloupe. Il faisait nuit : trois formes se détachaient, mais le manque de clarté empêchait de distinguer les traits de qui que ce soit. Lorsque tous furent assis dans la petite embarcation, Fitzroy qui avait pris soin d’installer les deux femmes l’une en face de l’autre, souleva une lanterne et éclaira les deux visages. Jane restait de marbre, préparée à la confrontation, par contre Ambre eut un geste de recul comme si un fantôme était apparu devant elle. Les deux sœurs se détaillaient dans un silence de plomb.
Ils arrivèrent au bateau sans que personne n’eu parlé, les hommes trop occupés à faire voguer la chaloupe et à épier le moindre bruit suspect et les deux femmes à remettre leurs idées en place.
Fitzroy s’approcha de Romance, Raoul et Jacob :
« Les deux ladies sont maintenant réunies, nous devons quitter cet endroit très vite, si nous nous mettons d’accord sur un prix, je vous emmènerai où vous le désirez.
Romance qui décidément semblait avoir pris le contrôle des opérations réfléchissait :
– Amenez-nous en France, nous devons nous rendre là où tout a commencé… à Compiègne.
Fitzroy acquiesça et donna des ordres en conséquence.
Pendant ce temps les deux femmes avaient rejoint leur cabine. Ambre était encore trop bouleversée pour dire quoi que ce soit, ce fut Jane qui mit fin au silence :
– Comme vous pouvez le constater nous avons un lien de parenté évident.
Ambre sembla sortir de sa torpeur :
– Mais comment est-ce possible ?
– Cette bague, de qui la tenez-vous ?
Jane tendit à sa parente l’anneau surmonté d’un faucon avec l’inscription Ambre, Compiègne 1609. Ambre le saisit et découvrit que Jane portait exactement le même :
– Je ne comprends pas… J’ai toujours possédé cette bague, ma mère m’a dit que j’étais née à Compiègne, mais rien de mystérieux à cela…
– Sauf que vous avez une sœur jumelle qui elle a été remise dès le berceau à une servante de la Cour et si vos parents sont réellement vos parents on peut se demander pourquoi ils vous ont gardé et abandonné l’autre enfant. À moins que comme moi vous ayez été confiée et que personne ne vous a jamais rien dit sur l’origine de votre naissance.
Jane semblait perdue dans ces pensées :
– Cela expliquerait pourquoi votre famille a pu partir et s’installer si facilement aux Amériques et qu’ils aient continué à aider la France, notamment en accueillant des missionnaires en danger.
Ambre reprenait peu à peu ses esprits. Cette sœur jumelle tombée du ciel lui ressemblait physiquement, mais avait également la même vivacité d’esprit. Elle se souvenait maintenant des étrangers que recevaient régulièrement ses père et mère, de la discrétion dont ils faisaient preuve autour de ces divers invités.
Elle se rappelait aussi des regards inquiets de ses parents lorsqu’ils pensaient qu’elle était occupée. Peut-être savaient-ils des choses sur ses origines qu’ils avaient tues.
Les deux femmes, toutes à leur retrouvailles et à toutes les questions qu’elles se posaient avaient à peine entendu frapper à leur porte. Le temps qu’elles réalisent que déjà Romance, Raoul et Jacob entraient. Ambre fit immédiatement un bond et s’apprêtait à se jeter sur le prêtre responsable de son naufrage et de celui de Giuseppe, mais Jacob s’interposa :
– Madame si nous comprenons vos ressentiments vis-à-vis du père Romance sachez d’abord que nous sommes tous mandatés, lui par le Vatican et nous par le roi de France pour découvrir qui se cachent derrière ce fameux faucon. Il semblerait que votre ami, le père Giuseppe Lumbini ait été à la tête de ce mouvement. Nous devons en connaître d’avantages et nous expliquer le danger qu’il représente.
Au nom de Giuseppe, Ambre se calma, mais toute la haine dont elle était capable transpirait de tous ses pores. La main de Jane se posa sur elle. Romance s'exprima :
– Je comprends Madame que vous puissiez vouloir m’étrangler, mais mes intérêts et les vôtres se rejoignent. Les deux mousquetaires ici présents, Raoul D’Aspremont et Jacob Baruch, et moi-même proposons que nous retournions là où tout a commencé, à Compiègne, et que nous reprenions l’enquête où nous l’avons laissée. Après tout, je suis toujours nommée à Saint-Jean-aux-Bois. »