Le procès du loup
" Accusé, levez-vous !
Le loup penaud pointa son museau de derrière ses avocats, pingouins et pandas en robes noires et blanches.
- ...et le Petit Chaperon Rouge, vous ne pouvez nier les faits, tout de même !
L'accusateur parlait fort et la salle s'indignait. Lapins, souriceaux et blaireaux eux-aussi accusaient le loup.
- Il faut dire pour notre défense, reprit le Panda, que le Petit Chaperon Rouge sort, en fin de conte, sans préjudice du ventre du loup dans bien des versions de l'histoire.
- Et l'agneau se désaltérant dans l'onde pure " n'est-il pas la pauvre victime de ce loup sanguinaire ? reprit le Procureur.
Le loup sortit alors de son silence et lança à l'assistance :
- Ce La Fontaine me donne les mauvais rôles
Et même en alexandrins, mon sort n'est point drôle !
- Et ma pauvre Blanchette, chevrota le vieux Monsieur Seguin !
- Et mes trois cousins, s'écria un petit cochon !
- Moi, je l'ai attrapé le méchant loup, s'enorgueillit Petit Pierre...
- Oui, mais il a tout de même mangé le canard, répliquèrent les autres personnages du conte musical !
Chacun trépignait de colère, demandant réparation, criant vengeance, tant et si bien que le juge de ce procès, le Lion, rugit à en faire trembler les murs :
- Silence, ou je fais évacuer la salle ! Loup, allons, peux-tu nous citer un exemple où tu n'es point le bourreau mais la victime ?
- Est-ce ma faute à moi, si les auteurs m'ont pris en grippe et m'ont toujours décrit comme un démon assoiffé de sang ! Néanmoins, mon aïeul Isengrin n'a été qu'une pauvre victime dans le Roman de Renard et c'est toujours le rusé Goupil qui tirait son épingle du jeu et ridiculisait le pauvre leu.
- Et qui est l'auteur de ce Roman de Renard ? demanda le juge léonin.
- Justement Votre Excellence. Encore un coup du sort, les écrits sont restés, mais personne n'a noté le nom de l'auteur et les historiens cherchent encore...
- Loup. Tu seras condamné. Trop de sang et trop de méfaits te sont reprochés. Toi et toute ta lignée, resterez maudits à jamais !
La séance est levée."
Et le loup fut condamné à pleurer éternellement sur son sort. N'entendez-vous pas, le soir, cette longue plainte qui monte vers le ciel ? C'est le loup qui gémit et pleure encore, il hurle toute sa peine et son remords.